Césaire admirablement interprété par le Burkinabé Etienne Minoungou à Avignon

Cahier d'un retour au pays natal l photo Adrian Zapico & Carmine Penna

La scène s’ouvre sur un homme dormant sous une couverture usée rose. Et c’est d’abord une voix grave qui vous saisi. Celle du comédien Burkina bé, Etienne Minoungou :

Au bout du petit, cette ville étalée…

On entre en plein conte.

L’homme-poète est habillé de costume orange, d’un pull gris et d’un tee-shirt rouge vert et jaune, les couleurs du Burkina (couleurs panafricains), comme un clin d’oeil à l’Histoire en marche. Tout est suggéré chez Minoungou, l’élégance d’un comédien en pleine maîtrise de son art.

Quand il se met debout, c’est une masse d’homme, avec des bras larges, une tignasse d’où ruisselle de petites perlées translucides.

Devant lui un parterre de sable blanc. Il est pieds nus, il occupe l’espace, se rapproche du public, le prend à témoin, nous sommes en pleine conversation. D’un coup le texte du Cahier résonne encore plus fort, devient encore plus évidente, accessible, à la fois lucide, sans concessions, parfois ironique et tendre, surtout quand le comédien confie son écharpe rouge à une spectatrice au premier rang, en l’invitant d’une voix calme :

Embrassez-moi, embrassez-moi, sans crainte.

Le geste n’aura pas lieu, mais on lit toute la tendresse dans les yeux.

Le dispositif du spectacle, c’est aussi un baraquement de bric et de broc, au pied duquel, le comédien fouille dans un baluchon, d’où il tire tout un tas de choses tout en effectuant le parcours du texte.

Cahier d'un retour au pays natal l photo Adrian Zapico & Carmine Penna

Sur un réchaud, il fait bouillir ce qui s’apparente à du thé ou du café. Surprise, il va en offrir à quelques spectateurs (spectatrices) chanceux(ses). Comme pour souligner toute la générosité du Cahier, de Césaire.

Je serais la bouche, de ceux qui n’ont point de bouche.

On rit jaune aussi, parce que Césaire a l’art de l’autodérision, surtout quand le comédien singe le Nègre dont parle le Cahier. Ce nègre d’une laideur affligeante croisé dans le métro.

L’interprétation du Cahier par Etienne Minoungou est très convaincante, car elle souligne la grande tendresse de Césaire dans ce texte volcanique. Et puis, on ne peut s’empêcher de penser à l’actualité burkinabaise avec la chute de Compaoré, récemment devenu ivoirien, à l’abri de toute sanction, de toute justice.

Mais Etienne Minoungou n’a pas dit son dernier mot, il boxe dans la pièce M’mapelle Mohamed Ali de Dieudonné Niangouna, toujours au collège de la Salle dans le cadre du festival d’Avignon, pour celles et ceux qui passent par là cet été.

Santé, Etienne (du pays des hommes intègres).

Nassuf DJAILANI

 

  • Interprète(s) : Etienne Minoungou
  • Metteur en scène : Daniel Scahaise
  • Assistant à la mise en scène : François Ebouele
  • Régisseur : Rémy Brans
  • Chargée de diffusion : Claire Alex

vos observations et commentaires nous intéressent